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lundi 22 janvier 2018

Pascal Bressoux : « Il y a un gain significatif à réduire la taille des classes »

Fenêtres sur cours, n° 443
18.01.2018



Quel est l'impact de la taille des classes sur les apprentissages ?
Pascal Bressoux : De nombreuses recherches ont été menées sur la taille des classes. Elles n'ont pas toutes la même qualité car ce n'est pas facile d'isoler l'influence de cette variable sur les résultats des élèves. Les classes qui ont des effectifs plus faibles sont souvent celles qui sont composées d'élèves sociologiquement défavorisés et il a donc fallu étudier des groupes comparables. Actuellement la littérature disponible sur cette question montre qu'il y a un gain significatif à réduire la taille des classes. Cette influence est d'autant plus forte qu'on a affaire à des enfants qui sont jeunes. En particulier au début de l'école élémentaire. Le gain est plus fort en élémentaire qu'au collège ou au lycée. Par contre, trop peu de travaux ont étudié cette question pour l'école maternelle. Il y a probablement un gain mais il n'est pas suffisamment documenté. Ce que l'on peut ajouter c'est que la réduction de la taille des classes profite d'autant plus que les élèves sont issus de milieux défavorisés. Ce sont ces enfants qui en bénéficient le plus, même si tout le monde en profite bien sûr. Quand on parle d'effets on ne parle pas d'effets miraculeux. Il y a plus de gain à attendre de la mise en place de pratiques efficaces d'enseignement, mais la taille des classes est une variable plus facilement manipulable.

À quelle hauteur une réduction est-elle utile ?
P. B. : On ne peut pas parler d'effets de seuil, en tous les cas pas dans les tailles de classes qui nous concernent. On a quelque chose d’assez linéaire. Tout un pan de la recherche a dit qu'il fallait réduire d'au moins 5 à 6 le nombre d'élèves par classe pour commencer à mesurer des effets et on trouve une série d’arguments pour une réduction drastique. Mais l'étude de Piketty montre qu'une réduction de trois ou quatre élèves aurait déjà un impact assez fort dans les zones défavorisées. Pour observer des effets on n'est pas obligé de réduire à 12, on aurait déjà des gains dans des classes à 15 ou 16, mais pas aussi forts qu'avec une réduction à 12. Il n'y a, à l'inverse, pas de données sur un nombre minimum d'élèves par classe qui montrerait une limite de ce point de vue sur les apprentissages des élèves.

Quel effet sur les pratiques enseignantes ?
P. B. : Cette question a été étudiée et montre que l'abaissement des effectifs n'a pas beaucoup d'impact sur les pratiques enseignantes, c'est-à-dire sur les méthodes et les styles d'enseignement. Ce qui va changer en revanche c'est l'engagement des élèves dans les tâches. Ils passent plus de temps à travailler. Les enseignants font moins de discipline, interagissent davantage avec les élèves en individuel et cela augmente le temps d’enseignement. L'abaissement des effectifs n'agit pas sur les pratiques mais sur les conditions d'enseignement. Les élèves sont plus visibles aux enseignants, il y a moins de difficulté d’organisation de la classe et ils se mettent donc plus rapidement au travail. La réduction de la taille des classes produit en soi des effets en dépit du fait que les enseignants changent peu leurs méthodes. Cela ne veut pas dire qu'on ne gagnerait pas encore davantage avec des méthodes adaptées. Tout l'enjeu est peut-être là. Réussir à former pour exploiter encore davantage une réduction de la taille des classes, mais il ne faut pas considérer que l'abaissement ne produit des effets qu'en cas de changement de méthodes.

La réduction des effectifs doit elle se poursuivre sur plusieurs années ?
P. B. : Si la réduction des effectifs produit des effets positifs dès la première année, la recherche a également pu montrer que la réduction de la taille des classes doit se poursuivre sur plusieurs années pour avoir un effet durable. Les enfants qui bénéficient de la réduction d'effectifs en CP seront meilleurs en fin de CP mais pas à la fin du CE1, si l'allègement ne s'est pas poursuivi. L’expérience américaine STAR, étude longitudinale de réduction de taille des classes, a permis de montrer que ceux qui en avaient bénéficié longuement maintenaient leur avantage jusque tard dans leur scolarité. Il faut que ça se poursuive au moins au CE1. Est-ce que deux années suffisent ? Un peu plus, c'est toujours un peu mieux et le suivi en CE1 semble important pour que les effets perdurent. On a actuellement des résultats scolaires décevants et notre système génère des inégalités. La réduction de la taille des classes est une mesure qui est à même de réduire ces écarts d'autant plus que la recherche va dans le sens d'un gain important pour les élèves défavorisés.

[Passages surlignés par moi.]

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