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mercredi 20 septembre 2017

Les enseignants préfèrent les pratiques pédagogiques claires et structurées

Pratiques pédagogiques : qu’en pensent les élèves et les enseignants ?

L’enseignement  la loupe, n° 18
18.09.2017



Il s’agit de l’exploitation d’une option offerte par TALIS 2013 aux établissements qui avaient participé à PISA 2012. Les enseignants de mathématiques et leurs élèves devaient répondre à des questions sur leur perception des pratiques pédagogiques mises en œuvre en classe. Il s’agit de voir si les visions de l’École convergent entre professeurs et élèves. Seuls huit États ont accepté de participer : l’Australie, l’Espagne, la Finlande, la Lettonie, le Mexique, le Portugal, la Roumanie et Singapour. Bien entendu, la France s’est défilée ; il aurait été pourtant intéressant de voir si le formatage constructiviste intensif mené depuis quarante ans en formation professionnelle initiale et continue a porté ses fruits… ou pas.

Bonne nouvelle : à part quelques illuminés qui s’acharnent toujours à appliquer le credo constructiviste avec les résultats qu’on devine, la plupart des enseignants sont des professionnels sérieux qui laissent tomber ce qui ne marche pas pour conserver ce qui est efficace pour leur métier.

Ainsi, « d’après les déclarations des enseignants comme des élèves, la quasi-totalité des professeurs de mathématiques des pays participants utilisent des pratiques pédagogiques claires et structurées. »

« Huit pratiques étaient communes aux listes soumises aux enseignants et aux élèves, et peuvent donc être comparées directement.
Les pratiques structurantes
- Le professeur énonce explicitement les objectifs d’apprentissage.
- Le professeur laisse les élèves refaire des tâches similaires jusqu’à ce que chaque élève ait compris l’objet de la leçon.
- Le professeur présente un résumé des thèmes récemment étudiés.
Les pratiques axées sur l’élève
- Les élèves travaillent en petits groupes pour trouver ensemble une solution à un problème ou à un exercice.
- Le professeur donne des travaux différents aux élèves qui ont des difficultés d’apprentissage et/ou à ceux qui progressent plus vite.
Les activités d’approfondissement
- Les élèves travaillent sur des projets qui leur prennent au moins une semaine.
- Le professeur demande aux élèves d’expliquer leur raisonnement sur les problèmes complexes.
- Le professeur encourage les élèves à résoudre les problèmes de plus d’une manière. »

Extraits :

« Les différences de déclarations entre les enseignants et les élèves concernant l’utilisation de pratiques pédagogiques spécifiques varient entre les pays. Dans l’ensemble, le degré le plus élevé de convergence s’observe pour les pratiques structurantes, et le plus bas, pour les pratiques axées sur l’élève. »

« Les pratiques pédagogiques adoptées par les enseignants de nos écoles définissent et façonnent la qualité de l’éducation. Le lien TALIS-PISA offre une occasion unique d’explorer ce qui se passe en classe en donnant la parole aux enseignants et aux élèves.  Les enseignants, forts de leur formation et de leurs connaissances professionnelles, sont experts dans diverses approches et méthodes pédagogiques. Mais les élèves, exposés à tout un éventail de professeurs dans différentes matières au cours de leur scolarité, peuvent aussi apparaître comme détenteurs d’un certain savoir sur les différentes méthodes pédagogiques. Le point de vue des uns comme des autres permet de brosser un tableau riche et complexe de ce qui se passe en classe. »

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« C’est l’utilisation des pratiques structurantes qui est la plus souvent citée par les enseignants comme par les élèves. En moyenne, dans les huit pays participants, au moins 97 % des enseignants déclarent utiliser chacune des trois pratiques structurantes à l’étude : énoncer explicitement les objectifs d’apprentissage ; laisser les élèves refaire des tâches similaires jusqu’à ce que chaque élève ait compris l’objet de la leçon ; et présenter un résumé des thèmes récemment étudiés. »

« Certaines pratiques pédagogiques semblent toutefois universelles et ne varient donc guère entre les pays. La quasi-totalité des professeurs de mathématiques utilisent des pratiques structurantes en cours, quel que soit le lieu où ils enseignent. Selon le pays, 98 % à 100 % des enseignants déclarent énoncer explicitement les objectifs d’apprentissage. »

« L’analyse des déclarations des élèves concernant les pratiques pédagogiques de leurs professeurs de mathématiques fait ressortir des tendances similaires : les élèves signalent ainsi l’emploi de pratiques structurantes par la quasi-totalité de leurs professeurs. »

Et de conclure :

« Les pratiques structurantes sont l’approche pédagogique la plus répandue en classe de mathématiques, d’après les déclarations des enseignants comme des élèves. Comme elles visent à dispenser un enseignement structuré et clair, elles pourraient être considérées comme la condition nécessaire à la mise en œuvre de tout autre pratique, d’où vraisemblablement leur forte prévalence dans les approches pédagogiques adoptées par les enseignants. »

Il ne reste plus qu’à espérer qu’il en va de même dans les matières autres que les mathématiques…

dimanche 17 septembre 2017

Méthode globale ou syllabique : de quoi parle-t-on ?

Libération, 10.09.2017




Les deux techniques cohabitent dans les écoles, et les difficultés persistent. L’approche syllabique, qui permet un décodage fluide des mots, n’exclut en rien le travail sur la compréhension.

Écartons deux fausses oppositions, omniprésentes ces temps-ci dans la presse, et qui masquent la réalité du problème de l’apprentissage de la lecture. Entre méthode globale et syllabique, d’abord. Actuellement, 90 % des enseignants pratiquent une variété de méthodes “mixtes” qui conjuguent un apprentissage du décodage syllabe par syllabe, essentiel dans la démarche syllabique, et des procédures d’identification des mots écrits empruntées à la globale. Les tenants de ces méthodes mixtes ont beau jeu dans ces conditions de rétorquer à ceux qui mettent en cause l’inefficacité de la globale que plus aucun maître ne pratique aujourd’hui la globale pure. L’affaire paraît réglée, et l’on s’évite tout questionnement sur les difficultés d’apprentissage persistantes et massives à l’entrée dans la culture écrite. Écartons aussi l’opposition gauche-droite, plus implicite. La syllabique étant associée à la droite, les tenants de l’ordre pédagogique aujourd’hui établi, des méthodes mixtes s’identifient dès lors au progressisme. Une politisation qui bloque la réflexion.

Les difficultés ne tiennent pas aux enfants : tous les élèves, hors cas cliniques, peuvent entrer normalement dans la culture écrite. Elles ne tiennent pas à la qualité des maîtres. Les 131 enseignants enquêtés en 2015 dans l’étude coordonnée par Roland Goigoux se signalent par leur expérience et assurance professionnelles : or, il s’avère que cette élite compte autant de maîtres efficaces et inefficaces qu’au plan national. Elles ne tiennent pas au fait d’enseigner ou pas le décodage, que tous les enseignants pratiquent. Reste la façon de le faire, où tout se joue. Quelle que soit leur diversité, les modes “mixtes” d’enseignement de la lecture présentent trois constantes : au départ, la reconnaissance globale d’un certain nombre de “mots outils” ; ensuite, le travail sur des textes plus ou moins déchiffrables, mais qui ne le sont jamais entièrement, les élèves étant encouragés à pratiquer la “lecture devinette” ; conjointement, au nom du “lire, c’est comprendre”, un travail sur la compréhension dissocié du décodage et qui finit par en prendre la place sans que son aisance et sa fluidité soient complètement acquises.

C’est pourquoi, au-delà des querelles politiques, réhabiliter la méthode syllabique nous semble indispensable. Par la règle du “tout déchiffrable”, elle exclut la lecture devinette sans pour autant s’opposer au travail sur la compréhension. Il faut ne jamais avoir appris à lire à quiconque pour méconnaître la propension des élèves à se précipiter pour deviner, imaginer, et éviter un décodage toujours pénible au début. Plutôt que d’encourager ce réflexe, l’apprentissage syllabique ramène constamment et précisément au texte écrit, dont il propose une appropriation progressive, méthodique, systématique. Puisqu’il y a avec elle tout à déchiffrer et rien à deviner, apprendre à lire peut contribuer à enrichir un lexique qui peut donc être découvert et pas seulement reconnu. Mais ici le travail sur la compréhension ne saurait être dissocié de l’acquisition d’un déchiffrage fluide, condition essentielle pour entendre ce qu’on lit.

Toutes les enquêtes statistiques menées au plan international depuis la fin du siècle dernier convergent pour valider l’essentiel des préconisations de la méthode syllabiquelaquelle reste pourtant, et paradoxalement, d’un usage très minoritaire – notamment dans l’école publique (1). Une chose est sûre : quand dans la France du XXIe siècle un jeune sur cinq au sortir de sa scolarité est en grande difficulté de compréhension de l’écrit (selon les données convergentes de PISA et du ministère), refuser de réexaminer les convictions pédagogiques et les habitudes de travail professionnel les plus ancrées est assurément problématique.

(1) Voir Jean-Pierre Terrail, “Enquêtes sur l’apprentissage de la lecture. Bilan 2000-2016 et enseignements”, Groupe de recherche sur la démocratisation scolaire (GRDS), 2016.

Jérôme Deauvieau, professeur de sociologie à l’École normale supérieure
Janine Reichstadt, professeure honoraire à l’Espé de Créteil
Jean-Pierre Terrail, professeur honoraire à l’université de Versailles–Saint-Quentin-en-Yvelines 


mercredi 6 septembre 2017

Nouvelle parution : L'innovation pédagogique (André Tricot)





Sommaire :

Introduction
Chapitre 1 : Faire manipuler permet de mieux faire apprendre
Chapitre 2 : Les élèves apprennent mieux quand ils découvrent par eux-mêmes
Chapitre 3 : S’appuyer sur l’intérêt des élèves améliore leur motivation et leur apprentissage
Chapitre 4 : Les élèves apprennent mieux en groupe
Chapitre 5 : La pédagogie par projet donne du sens aux apprentissages
Chapitre 6 : Les situations de classe doivent être authentiques
Chapitre 7 : Il faut inverser la classe : les apports notionnels à la maison, les applications en classe
Chapitre 8 : Le numérique permet d’innover en pédagogie
Chapitre 9 : L’approche par compétences est plus efficace
Conclusion
Références


Extrait :
Au sein de ces différents paysages, je voudrais me focaliser sur un aspect, souligné dans le rapport Reuter : la capacité de l’innovation pédagogique à faire passer des idées anciennes pour nouvelles. Par exemple, « Faire manipuler permet de mieux faire apprendre », « Les élèves apprennent mieux quand ils découvrent par eux-mêmes», « S’appuyer sur l’intérêt des élèves améliore leur motivation et leur apprentissage», « Les élèves apprennent mieux en groupe », etc. sont souvent présentées comme innovantes et opposées à la « pédagogie traditionnelle ».
Pourtant, certaines de ces idées ont plusieurs siècles ! Par quel tour de magie parvenons-nous à oublier cette ancienneté ? Depuis quelques années, on entend aussi qu’il faut « inverser la classe », que « le numérique permet d’innover en pédagogie » ou qu’il faut « enseigner par compétences ». Mais ces idées un peu moins anciennes sont-elles fondées ? Ont-elles donné lieu à des évaluations rigoureuses ? à des recherches ? Si oui, quels sont les résultats ? Ces idées pédagogiques sont-elles efficaces ?
L’objectif de ce petit ouvrage est double : d’une part, vérifier si ces « pratiques » ou ces idées générales censées être innovantes le sont vraiment ; d’autre part, évaluer si ces idées permettent aux enseignants de mieux enseigner et aux élèves de mieux apprendre. Pour cela, je vais considérer chacune de ces « innovations pédagogiques » pour essayer de retracer rapidement son histoire, identifier quels arguments sont mobilisés pour la défendre. Dans un second temps, je vais confronter chacune de ces idées à l’état actuel des recherches scientifiques et analyser quelques exemples.