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mardi 18 juin 2013

La Finlande, vers un modèle éducatif néolibéral ? (Luc Leguérinel)


 Source : Recherches en éducation, n° 16, 06/2013, pp 83-84




Extrait :

En Finlande, les enfants peuvent, à partir de trois ans, fréquenter la maternelle qui réserve un enseignement préscolaire en dernière année. Bien que l’école maternelle ne soit pas obligatoire, plus de 90% des enfants la fréquentent. L’enseignement obligatoire débute comme dans de nombreux autres pays à sept ans, contre six ans en France, et dure neuf ans ; cet enseignement appelé “fondamental” correspond à l’école primaire et au collège. Contrairement au système éducatif français, le système finlandais ne connaît pas de rupture entre l'école primaire et le collège. Ces deux étapes scolaires sont incluses dans ce qui est appelé l'enseignement fondamental, et sont regroupées la plupart du temps dans un établissement unique. L'enseignement obligatoire se poursuit de la classe 1 à la classe 9, et concerne les élèves âgés de sept ans à quinze ans. Il est réparti de sorte que durant les six premières années, l’enseignement est généralement donné par un professeur des écoles et les trois dernières, par des professeurs de disciplines qui exercent leur activité sous le système de la bivalence (cf. Finnish National Board of Education, 2004).

L’école est ouverte cinq jours par semaine, avec une durée hebdomadaire  l’enseignement progressive de la première année de l’école primaire à la fin du collège, allant de 19 x 45 minutes durant les deux premières années d’école primaire à 30 x 45 minutes minimum et 35 x 45 minutes maximum au collège. L’école primaire commence généralement vers 8 heures du matin pour finir entre 12 et 13 heures, tandis qu’au collège les journées de cours s’achèvent entre 14 et 15 heures. Durant l’après-midi, les activités scolaires laissent place à des activités périscolaires facultatives, comme le sport, les arts plastiques, la musique et les travaux manuels. Ces activités sont le plus souvent organisées par les municipalités et les écoles, mais elles le sont également par des associations. Leur coût est, en partie, pris en charge par les municipalités. La prise en charge des familles s’élève, quant à elle, entre soixante et cent vingt euros par mois et par enfant. La demande pour ces activités est très élevée de la part des parents pour les enfants de sept à huit ans, ce qui entraîne un manque de place pour un grand nombre d’enfants. En revanche, les parents considèrent que leurs enfants sont suffisamment grands dès l’âge de neuf ans pour pouvoir rester seuls à la maison, et, par conséquent, la demande est beaucoup moins importante. Aussi, cette organisation de la durée scolaire semble très satisfaisante pour Paul Robert (2010), du fait que « les situations d’apprentissage deviennent plus stimulantes pour les élèves, qui se sentent davantage responsabilisés » tout en ayant peu de travail à faire à la maison. Pourtant, il en va différemment pour les parents d’élèves qui souhaiteraient des journées de travail plus longues pour leurs enfants, afin que ces derniers ne soient pas livrés à eux-mêmes durant une grande partie de l’après-midi, surtout s’ils ne suivent pas d’activités périscolaires, en raison du manque de place ou tout simplement en raison du coût de ces activités.

Chaque élève a une place assignée par la commune, à proximité de son domicile, mais les parents sont libres de choisir l’établissement qu’ils souhaitent, dans certaines limites. Ils font généralement ce choix lorsqu’ils veulent placer leurs enfants dans une école spécialisée, en langues étrangères, musique, arts plastiques, sciences, etc. L’accès à ces écoles se fait sur concours, avec à la base un test d’enseignement général et un test psychologique, qui permet de choisir les futurs élèves en toute “équité” et de renvoyer les indésirables dans les écoles de quartier. Toutefois, il appert, pour l’ensemble des établissements, que les élèves sont au cœur du système d’apprentissage tandis que les enseignants ne sont là que pour les accompagner en les responsabilisant : ce n’est pas à l’élève à s’adapter à l’école, mais c’est à l’école à s’adapter à l’élève, non en lui imposant un rythme mais en s’adaptant au rythme de chacun. En effet, les termes d’échec et de redoublement sont absents et proscrits du vocabulaire officiel. Ainsi, chaque élève peut avancer à son rythme jusqu’à la fin du collège, mais malheur à ceux qui sont allés un peu trop à leur rythme car seuls 50% des élèves intègreront le lycée d’enseignement général, alors que 4% d’entre eux auront la possibilité d’effectuer une dixième année, pour ne pas dire qu’ils redoublent, afin d’intégrer éventuellement un lycée l’année suivante. Les autres seront orientés pour 42% d’entre eux vers les filières techniques d’un lycée d’enseignement professionnel, qui ne sont pas jugées comme des filières d’échec, du moins officiellement. Enfin, les 4% restants sortent tout simplement du système éducatif, mais là encore la notion d’échec est bannie, car ils peuvent théoriquement réintégrer le système scolaire à tout moment… Il faut pourtant savoir que 25 000 jeunes restaient injoignables en 2007 après avoir terminé le collège, pour la simple raison qu’ils n’étudiaient pas et n’étaient pas inscrits comme chômeurs.

Toutefois, cette école fait l’objet de toutes les attentions car elle permet de greffer le savoir immédiat et rentable au plaisir et au bien-être, réduisant ainsi sa mission à un rôle à la fois utilitaire et distractif, où prévalent l’acquisition d’une somme de compétences et un grand nombre d’animations parascolaires sur un enseignement plus exigeant qui devrait permettre l’accès à la pensée. En effet, dans la plupart des collèges, il n’est plus question pour les enseignants de transmettre des savoirs essentiels au développement d’une pensée rationnelle, ni de développer l’apprentissage d’un jugement autonome, mais plutôt de se référer à des critères d’utilité sociale, de rendement économique et de rationalité technique. […] Sur ce point, il est clair que les choix éducatifs de la Finlande présentent l'avantage de permettre à ce type de modèle d’être à l’avant-garde de l’idéal éducatif mondial prôné par l’OCDE à travers la vision utilitariste et pragmatique des tests PISA qui visent à évaluer les compétences jugées indispensables pour mener une existence autonome et indépendante dans les sociétés néolibérales (cf. Trouvé, 2012).

mardi 4 juin 2013

Évaluation de la mise en œuvre, du fonctionnement et des résultats des dispositifs PARLER et ROLL (IGEN)

Auteurs : Viviane Bouysse et Gilles Pétreault
Rapport n° 2012-129
11.2012



Ce rapport prétend faire le point sur le dispositif P.A.R.L.E.R. (Parler, Apprendre, Réfléchir, Lire Ensemble pour Réussir). Conçu par Michel Zorman, médecin de l’éducation nationale, conseiller technique du recteur, en relation avec l’université Pierre-Mendès-France de Grenoble, P.A.R.L.E.R. est défini comme un « enseignement explicite et systématique de la conscience phonologique et du code alphabétique ainsi que son utilisation intensive et fréquente […] aussi bien en lecture qu’en production d’écrits. Parallèlement, un enseignement explicite de la compréhension et du vocabulaire de l’écrit oralisé est réalisé ». Cette volonté d’enseignement explicite ne peut qu’être louée. D’autant que le programme s’inspire des conclusions du National Reading Panel, dans son rapport de 2000, et reprend les principes qui définissent depuis quelques années les pédagogies efficaces.

Pour autant, les rapporteurs dressent un rapport à charge qui est resté dans les mémoires pour ce passage :
« L’examen des deux dispositifs conduit également à se questionner dans un registre plus éthique que technique : jusqu’où peut-on engager de l’argent public sans appel à projets, sans débat entre acteurs (de tout niveau hiérarchique) et partenaires du système éducatif (au premier rang desquels les parents) sur ce qui est proposé ? Peut-on laisser se dérouler une expérimentation sans se donner les moyens de vérifier que les intérêts des élèves sont préservés, sans s’assurer que des errements susceptibles de les compromettre seront corrigés ? On perçoit parfaitement que l’on courrait ainsi le risque d’introduire des biais dans le déroulement de l’expérimentation et de perturber son évaluation mais les classes ne sont pas des laboratoires ; les élèves ne peuvent être réduits à un statut de “cobayes” sur lesquels on exerce une action pour en voir les effets. Est-il normal de ne pas informer précisément les parents des conditions d’une expérimentation en milieu scolaire ? Peut-on se désintéresser de l’accompagnement des après-coups de l’expérimentation ? Si celle-ci ne donne pas les effets positifs escomptés, voire produit des effets négatifs, qui prend en compte la déception des enseignants et les aide à retrouver une motivation, qui fait face aux interrogations légitimes des parents ? Au terme de cette étude, il apparaît que notre ministère gagnerait à engager une réflexion sur ce que l’on pourrait nommer une “éthique des expérimentations”. »
La question de cette “éthique des expérimentations” ne s’est jamais posée à propos d’élucubrations d’inspiration constructiviste, mises en œuvre de manière dispendieuse alors qu’elles sont de toute évidence des simulacres sans intérêt pédagogique, et bien sûr jamais sérieusement évaluées par un organisme indépendant.

Mais avec P.A.R.L.E.R., les rapporteurs s’attaquent à un enseignement qui se veut explicite et qui obtient des résultats. Cela explique sans doute cette vindicte ?