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lundi 15 septembre 2008

Livre : L'imposture pédagogique (Isabelle Stal)

J’apprécie les livres écrits par des gens qui savent de quoi ils parlent. L’auteur connaît les IUFM puisqu’elle y travaille, et tout ce qu’elle en dit correspond à ce que l’on perçoit lorsqu’on approche les formateurs lors des stages de formation continue ou, pire encore, lors de la formation initiale. Elle parle (p 62) de « mafia pédagogique » : c’est exactement le terme qui convient, tant une petite coterie s’est accaparée par cooptation tous les postes ou prébendes qui permettent d’échapper aux élèves. Ces planqués donnent des leçons de pédagogie alors qu’ils ont tout fait pour se sortir du quotidien de leur classe. Curieux paradoxe qui n’a échappé à aucun praticien de terrain.

Le pédagogisme qui règne en maître dans les IUFM est décrit avec une grande justesse. Je vous livre cette tirade tellement vraie : « L’idéologie (…) a jeté à bas tout l’édifice de l’ancienne école avec la violence d’une révolution culturelle, poussant sur le devant de la scène scolaire des courants pédagogiques naguère confidentiels, sous-produits de toutes les variantes possibles de l’utopie communiste, imposant leurs thèses à la très grande majorité des enseignants jusqu’à modeler leurs conceptions et leurs pratiques et assurant ainsi son emprise sur des générations de maîtres qui, mal instruits mais intellectuellement intimidés, ont fini, sans adhérer à aucune idée véritable, par se soumettre à la toute-puissante, à l’omniprésente doctrine de la pédagogie » (p 27). Les pédagogies soi-disant nouvelles tiennent dans cette formule choc : « Les enseignants feignent d’enseigner et les élèves feignent d’apprendre » (p 10).

Toutefois, on aura noté dans la citation ci-dessus que l’auteur ne parle pas de pédagogisme mais de pédagogie. Elle déteste et dénonce à ce point le pédagogisme, les (fausses) sciences de l’éducation, la psychopédagogie foireuse de Piaget, le volapuk des esprits creux qu’elle finit, emportée par son élan, par rejeter également la pédagogie, les (véritables) sciences de l’éducation, la psychologie cognitive, le vocabulaire pédagogique spécialisé. Le ras-le-bol est tel que tout est voué aux gémonies sans prendre garde qu’on jette le bébé avec l’eau du bain. Il ne reste alors plus d’autre solution que de pleurer sur l’École de jadis, celle des années 50 au plus tard…

Il est vraiment malheureux que le courant hostile au constructivisme soit peuplé à ce point de traditionalistes qui n’ont aucune perspective moderne à proposer. On ressort les vieux manuels, on pleure sur les vieux maîtres si dévoués qui avaient la vocation et exerçaient leur sacerdoce comme d’humbles artisans. Ah ! Monsieur Germain, l’instituteur d’Albert Camus ! Les hussards noirs, la blouse grise, le bonnet d’âne, la plume Sergent-Major et les vieux traités poussiéreux de pédagogie à la grand-papa arriveront juste derrière. On est contre l’informatique à l’école, contre l’apprentissage d’une langue vivante, contre les calculettes, bref contre tout ce qui a été inventé après 1960. Et bien sûr, la nostalgie s’accompagne d’acrimonie. Nous sommes chez les réformateurs cacochymes et atrabilaires…

Ce manque de perspectives et cette hargne finissent par lasser les instructionnistes qui ne veulent pas remplacer la mafia pédagogiste par la mafia traditionaliste, qui serait plus terrible encore considérant la violence des propos qu’elle tient.

L’auteur avait cependant remarqué que le ministre Xavier Darcos substitua habilement au printemps 2008 l’obligation de résultats à l’obligation de méthode. Ce constat qui devrait nous réjouir ne figure que dans une note de bas de page (p 21). Que l’on cesse donc de pleurnicher sur une École morte il y a cinquante ans. Retroussons nos manches et mettons en place dans les classes les pratiques d’enseignement instructionnistes, efficaces et modernes avec la pédagogie explicite, dont les techniques ont été mises au point dans les années 80.

L’avenir de l’École nous appartient, pas son passé.

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L'imposture pédagogique
Isabelle STAL
Perrin, Paris, 08/2008, 216 p.


Franz Xaver Messerschmidt

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